Elle (France) June 2003

Elle est très Milla
Interview de Louise Finlay, Photos Dominique Issermann

Mannequin, actrice, musicienne, Milla Jovovich sait tout faire, tout porter, et tout lui réussit. Libre, insolente, moderne, nous l’avons choisie pour incarner l’esprit de ce 3000 numéro.


Une journée parfaite à Beverly Hills. Le soleil brille et Milla Jovovich arrive en avance à notre rendez-vous. “Les gens disent que je suis toujours en retard, mais c’est une légende”, déclare-t-elle hilaire. Rayonnante, Milla rit sans cesse. Et pour cause: en ce moment, tout lui sourit. Ambassadrice de L’Oreal Paris, elle est aussi l’égerie de Night, le nouveau parfum Emporio Armani, alors que son dernier film, Resident Evil, a cartonné au box-office et qu’une sublime bague de fiançailles offerte par son futur mari, le réalisateur anglais Paul W.S. Anderson, brille à son doigt. Vêtue d’un jean, d’un T-shirt “Tournée Rolling Stones 1974” et d’une veste Armani, bien sûr notre cover girl “3000” mélange les styles et cumule les talents. Et reflète tout ce qu’on aime à Elle: l’intelligence, l’élégance et l’indépendence. Top model de l’agence IMG, musicienne, actrice, à 28 ans, l’ex femme de Luc Besson vit à 100 à l’heure et n’a aucune intention de ralentir.

ELLE: Milla, vous êtes la tête d’affiche du numéro 3000 de Elle: A votre avis, pourquoi êtes-vous autant sollicitée?
MILLA JOVOVICH. J’imagine que cela tient à mon look et à mon image médiatique, car ma vie privée a fait pas mal jaser. Peut-être que ce côté un peu scandaleux plaît aux gens! Avant, être mannequin, c’était juste un boulot, et je m’en fichais. Mais, aujourd’hui, je prends ma carrière plus au sérieux. Le fait q’une lectrice puisse acheter un vêtement Armani parce qu’elle l’a vu sur moi dans un magazine m’importe beaucoup. D’autant que j’ai l’intention de lancer ma propre griffe.

ELLE: Votre nouveau défi est de devenir créatrice de mode?
MILLA: Je l’espère, car j’ai déjà dépensé une fortune en tissus! J’ai toujours adoré la mode et j’avais envie de créer ce que je ne trouve pas dans les boutiques. Avec une copine, on a d’ailleurs réalisé une quinzaine de prototypes-des tenues chics et structurées mais avec un côté fun et sexy. En tout cas, je ne veux surtout pas ressembler à certains de ces jeunes créateurs qui demandent des prix hallucinants pour des chiffons tellement fashion que, six mois après, ils sont déjà ringards! J’aime les boutiques vintage, j’aime customiser mes vêtements. Et puis, avec mes copines, on s’échange régulièrement des fringues. C’est beaucoup plus rigolo!

ELLE: D’où vient cette passion pour la mode?
MILLA: De ma mère. J’ai le souvenir, à l’époque où on vivait encore en Union Sovietique, de maman passant en coup de vent dans notre appartement, enveloppée dans une fourrure, ou bien courant d’un plateau de tournage à l’autre, car elle était une star de cinéma là-bas. Même s’il faisait-40ºC dehors, elle portait tout le temps une minijupe. Pour moi, elle était la plus belle de toutes les femmes.

ELLE: Est-il vrai que votre mère coupe les cheveux?
MILLA: Oui. Avant, j’allais chez les copains coiffeurs qui, le plus souvent, me massacraient, mais je n’osais jamais rien dire. J’attendais d’être chez moi pour fondre en larmes. Alors que, si ma mère me loupe, au moins je peux l’engueuler!

ELLE: Vous faites très attention à votre corps?
MILLA: Pas vraiment, mais je prends des cours d’arts martiaux quatre fois par semaine. Dans l’ensemble, j’essaie de mener une vie saine. A part la cigarette, le café, les nuits blanches...(Rires). La journée, je m’efforce au moins de manger des salades plutôt que des cochonneries, et un steak le soir. En fait, je mange surtout pour me nourrir. Je n’ai guère le temps d’apprecier un repas et je suis tout sauf un gourmet.

ELLE: Vous n’allez jamais au restaurant?
MILLA: Non, je déteste ça. D’autant que, pour des raisons professionnelles, je suis obligée de sacrifier aux mondanités. Alors, quand je ne travaille pas, je reste chez moi.

ELLE: Vous ne sortez jamais pour le plaisir?
MILLA: J’ai récemment acheté une maison à Beverly Hills et je m’y sens extrêmement bien. Ça a l’air idiot de dire ça, mais je crois qu’à un moment donné on a tous besoin d’avoir un endroit à soi où on peut se réfugier et se couper du monde. Ma mère ne supporte pas que je m’enferme, elle me dit: “Ta baraque est un bunker!”

ELLE: Vous partagez votre vie avec Paul W.S. Anderson, le réalisateur de votre dernier film, Resident Evil. Avez-vous fixé une date de mariage?
MILLA: On n’a même pas eu le temps d’inviter des gens à notre cérémonie de fiançailles (rires), et c’est dans quelques jours. Si je ne m’active pas, il n’y aura que Paul, ma mère, les amis russes qui nous prêtent leur bateau pour la fête, et moi. Super!

ELLE: Ce sera votre troisième mariage. Est-ce que Paul a des qualités que vous n’avez pas trouvées chez les autres?
MILLA: Cela fait deux ans que nous sommes ensemble et, croyez-moi, je ne suis vraiment pas facile à vivre! Il y a une patience illimitée et un amour inconditionnel. Les hommes que j’ai connus avant lui adoraient mon esprit d’inépendence et étaient fiers de ma réussite, jusqu’à ce qu’ils deviennent jaloux du temps que je consacre à ma carrière. Paul, lui, est un roc. Si je dois travailler jusqu’à 3 heures du matin, il dit “OK, pas de problème”. Et ça, c’est cool.

ELLE: Avez-vous trouvé en lui le père de vos futurs enfants?
MILLA: Oui. A 16 and déjà, je rêvais d’avoir un bébé, car je me sentais adulte, mais ma mère m’en a empêchée. A présent, je me sens comme une adolescente et j’ai envie de m’amuser encore un à deux ans avant de fonder une famille. De toute manière, je débute bientôt le tournage de Resident Evil 2, et l’héroïne d’un film d’action ne peut pas être enceinte!

ELLE: Vous avez toujours connu le succès, d’abord en tant que mannequin et plus récemment comme actrice...
MILLA: C’est faux, j’ai toujours dû me battre pour tout. J’étais encore gamine lorsque j’ai arrêté le mannequinat pour m’installer à Londres et me consacrer à la musique. A l’époque, j’avais un groupe. Fauchée, deux ans plus tard, j’ai été obligée de rentrer à New York pour redevenir top model et gagner ma vie. Mais, quand j’ai appelé mon agent, elle m’a répondu: “Tu es désormais un mannequin démodé, tu as une image de “has-been”. En fait, je ne parvenais même plus à décrocher des castings. Vous imaginez ce que c’est lorsqu’on vous dit que vous êtes finie à 18 ans? Cela dit, le métier d’actrice est encore plus déstabilisant.

ELLE: Pourquoi?
MILLA: Lorsque vous essuyez un refus en tant que top model, vous pouvez toujours vous dire: “Ce n’est pas grave, je n’ai simplement pas le bon look pour cette séance photo.” Un casting de cinéma, c’est différent. Vous vous préparez pendant des semaines, vous donnez tout et vous mettez vos tripes sur la table pendant les cinq minutes qu’on vous accorde. Donc, là, quand on vous rejette, ça tue. D’ailleurs, si je n’avais pas d’autres cordes à mon arc, j’aurais déjà fait plusieurs dépressions nerveuses. Le pire, c’est qu’on finit parfois par se “prostituer” dans un film médiocre parce qu’on n’a pas d’autres propositions et qu’on est désespéré.

ELLE: Pourtant, Resident Evil a fait un malheur au box-office.
MILLA: Oui, mais c’est n’est que depuis ce film que je commence enfin à me faire une petite place à Hollywood. Et puis j’ai arrêté de trop m’investir sur le plan émotionnel. Désormais, j’aborde le cinéma comme une femme d’affaires. J’ai l’intention de tourner davantage de films d’action, car, à part Angelina Jolie, aucune actrice ne s’est imposée dans ce genre.

ELLE: Vous êtes originaire d’Ukraine, dans l’ex URSS. Est-ce que vous y allez souvent en Russie?
MILLA: Jamais. Je suis allée à Moscou pour présenter Jeanne d’Arc et Le Cinquième Elément, mais la Russie est un pays trés loin de moi. Il y fait froid, la mafia est partout et je ne vous parle même pas du gouvernement...Chaque année, on m’invite au Festival du film de Moscou, mais je n’y suis jamais allée, faute de temps.

ELLE: On a l’impression que vous ne vous arretez jamais.
MILLA: Si je ne suis pas débordée, je déprime, car j’ai le sentiment de ne rien faire de ma vie. L’an dernier, j’ai perdu un ami, le guitariste de mon groupe. Il n’avait que 21 ans. Depuis, je pense beaucoup à la mort et à toutes les choses que je désire accomplir avant de disparaître. Je ne me repose donc jamais. Finalement, c’est simple: soit je deviens folle dans les deux ans à venir, soit je casse la baraque. (Rires). On verra!